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Corinne Pitet


J’étais expert immobilier. Je me suis retrouvée soudain sans boulot, mais dans le fond la vie est juste : ce travail ne m’épanouissait pas le moins du monde, m’éteignait, et je rêvais de trouver n’importe quel job dans le milieu artistique. L’amie d’une amie d’une amie, qui était modèle, m’a conseillé de poser, parce que cela me permettrait de rencontrer des créateurs qui allaient peut-être me proposer des issues, du moins des idées. C’est comme ça que tout a commencé. J’ai ouvert le bottin de ma région à la rubrique des artistes, j’ai téléphoné de tous côtés jusqu’à ce qu’une sculptrice, qui occupait un très bel atelier, m’invite à me présenter.

J’ai immédiatement aimé cela ! Poser est devenu pour moi presque thérapeutique. Avant, j’étouffais, j’étais aux limites de la dépression, et d’un coup je me suis mise à respirer, à regarder mon corps tel qu’il était, à me faire plaisir. Cela fait maintenant seize ans que je pose pour les artistes en privé, les ateliers, les académies.

Je milite pour que cette activité de modèle puisse devenir un métier reconnu. A l’Onem, j’ai toutes les peines du monde à faire admettre que cela puisse être autre chose qu’un hobby ! Et j’y suis arrivée, il y a deux ans , le métier de modèle a été reconnu par cet organisme étatique : étrange métier, c’est vrai, qui permet de travailler en ne faisant rien, littéralement : je me dénude, je suis là, je me tais, immobile. Mais un métier pourtant. Je tente de fédérer d’autres modèles, j’ai créé une asbl CroquezNous, pour qu’elle devienne une plateforme utile, pour que cette plénitude que j’éprouve devienne profitable à d’autres . Quand je vois ma vie aujourd’hui, je me sens investie.

Durant mes années de pose, j’ai écouté, observé, partagé les conseils des professeurs des académies et des ateliers donnés à leurs élèves. J’ai appris à regarder le travail des artistes et de m’en inspirer. Depuis quelques années, je dessine, peins et sculpte le modèle vivant . En juillet 2016, j’ai été l’assistante de Pierre Debatty lors de ses cours donnés à l’AKDT . Dans le cadre de CroquezNous, j’ai créé une activité dans le cadre des EVJF pour transmettre mon amour de l’art à travers le corps aux personnes extérieures à la vie artistique : durant deux heures 30, je donne des cours de sculpture ou de dessin avec un modèle en pose pour des groupes entre 10 à 15 personnes. Depuis 2017, je donne des cours  d’observation du modèle à travers le dessins, la    peinture et la sculpture , donne des pistes pour découvrir les lignes, les ombres et lumières du modèle vivant.

En avril 2013, lors d’un événement organisé par CroquezNous asbl, j’ai rencontré Nathalie Lequenne qui m’a proposé un projet « Amazone à croquer divinement » et sans hésiter, j’ai accepté de l’aider à mettre en place son projet. Depuis, Nathalie est devenue aussi modèle et assistante au sein de l’asbl CroquezNous .

Il y a quelques mois, Nathalie est venue me proposer une activité « thérapeutique » qui réunit nos compétences et savoir-faire mutuels pour aider les femmes dans l’amélioration de l’estime et la confiance en soi après un cancer : « Amazone en soi » .


Nathalie Lequenne


J’étais directrice financière.
Suite à une mastectomie et un traitement durant de longs mois pour combattre un cancer au sein, je découvre les bienfaits du massage, de la méditation, de la lecture positive : il m’aide à me reconstruire, mentalement et physiquement, à m’accepter et devenir moi-même.
Après une période de convalescence et de recueillement, je décide de m’ouvrir aux autres en ouvrant la porte de mon monde intérieur , pleine de sagesse de force de sérénité de joie d’amour et d’espoir. A cette époque, je rencontre une femme, Marie dont son métier était modèle vivant. Un déclic s’est fait en moi , je voulais poser  nue pour des artistes et créer une exposition avec ce travail commun dans le but d’aider les femmes à mieux accepter un corps différent qui peut être beau, féminin et sensuel. C’est comme cela qu’est né , dans ma tête, le projet « Amazone à croquer divinement » .
Mais comment faire ? J’avais aucune expérience et relation artistique. J’ai commencé à prendre des cours de dessin avec Marie et de fil en aiguille , elle m’a dirigée vers un « Marathon du modèle vivant » organisé par Corinne Pitet, CroquezNous asbl : l’artiste croque pendant 10h. Après plusieurs participations en tant que dessinateur, je savais que j’étais prête à sauter le pas. J’ai proposé à Corinne mon projet qui n’a pas hésité à m’aider à faire découvrir un monde à faire basculer les tabous, les a priori sur la sensualité de l’image de la femme.

En octobre 2014, la 1ère édition de l’exposition « Amazone à Croquer Divinement » a eu lieu dans les locaux de CroquezNous à Bierges. Depuis j’ai pu exposer les oeuvres (27 artistes pour une quarantaine d’oeuvres) et faire passer mon message à quatre endroits différents.

Par la suite, Corinne m’a demandé de devenir modèle dans son asbl CroquezNous. (Tout corps est intéressant) . Depuis je pose dans des différents ateliers artistiques ainsi que dans les cours donnés par Corinne . Dans le cadre de l’EVJF organisé par l’ASBL, j’anime également l’atelier de croquis dessin ou sculpture. Entretemps, je me perfectionne dans l’apprentissage à sculpter, dessiner et peindre . Une manière d’allier l’art et la pose , de mettre en pratique les conseils des artistes et des professeurs d’art.

A travers l’exposition « Amazone à croquer divinement », les visiteurs, artistes ou pas, sont sensibles à la démarche et/ou aux oeuvres . Ils osent dévoiler, dans ces moments de partage, leurs émotions en tant que patient ou aidant . Ils en sortent, tout en questionnement, confiants et plein d’espoir .
Lors de mes poses dans les ateliers, je fait face à trois types d’artistes dans la démarche d’appréhender ce corps différent . Pour les uns, ce ne sont que les lignes et les courbes d’un corps, justement, différent qui les intéressent et l’absence du sein ne les interpellent pas. Pour d’autres, au contraire, ils font face à leurs émotions de par « leur vécu », je sens le regard sur les lignes de mon corps à travers leurs outils qui grattent le papier , je ressens leurs émotions qui les transposent dans leur oeuvre. « L’absence d’un sein assure encore plus la valeur de l’autre toujours présent » . Et pour les derniers, ils rejettent la possibilité de me voir poser nue, la peur de faire face à leurs propres émotions trop fortes (maladie, mort,…) les déstabilisent . Dans tous les cas, un travail de partage s’installe qu’il soit accepté ou pas . Un travail qui enrichit l’un et l’autre .